Mobilité

La galère des travailleurs frontaliers

Laurent / Publié le 12:13 09.03.2023 | 02 min


Chaque jour, les frontaliers franchissent la frontière pour aller travailler au GDL. Ils sont environ 270.000 à effectuer les trajets domicile/boulot, ce qui constitue parfois un calvaire pour certains navetteurs. Ces dernières années, le trafic est en effet devenu plus dense et l’offre en transport public est encore insuffisante, en tout cas : discutable. Voici quelques témoignages recueillis par RoudeLeiw, notamment du côté belge.

En mai 2019, le ministre wallon Carlo di Antonio lance un projet pilote sur l’autoroute E411. La bande d’arrêt d’urgence est aménagée pour permettre aux véhicules légers d’au moins 3 personnes (conducteur compris) ainsi que les bus et les taxis de remonter les files lors des embouteillages. La vitesse maximale autorisée est de 50 km/h. Le marquage est constitué de larges traits blancs pour la distinguer de la bande d’urgence. Deux tronçons sont concernés : celui entre Sterpenich et la frontière luxembourgeoise (11 km) et celui entre Wavre et Bruxelles. Quatre ans plus tard, on peut affirmer que l’argent public a été gaspillé. Le taux de fréquentation journalier est en deçà des attentes et les files sont toujours aussi nombreuses.

"Le trajet Habay/Leudelange ? Il me faut parfois presque 1 h 20 chaque matin. Il y a environ 50 km à parcourir. Un vrai calvaire"

Olivier

"Le trajet Habay/Leudelange ? Il me faut parfois presque 1 h 20 chaque matin. Il y a environ 50 km à parcourir. Un vrai calvaire", confie ainsi Olivier. S’il est heureux de toucher un salaire intéressant au GDL, il confirme que la vie de famille est de plus en plus compliquée. “Ma femme travaille également au GDL. Elle est sur Steinfort, mais elle finit aussi vers 18 heures. Nous devons donc mettre nos enfants à l’école très tôt et on les reprend après 18 heures. Mes beaux-parents nous aident souvent, en semaine, si nous sommes vraiment en retard. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est un choix de vie”, ajoute notre homme. Un fiasco qui a coûté environ 17 millions d’euros . "On se demande vraiment pourquoi ils ont fait ça. Les usagers, sur le terrain, pouvaient dire aux décideurs politiques que ce n’était pas la meilleure solution pour améliorer les conditions de circulation vers le GDL. Je suis curieux de voir si les ministres qui ont pris cette décision ont, une fois dans leur vie, fait Arlon/Luxembourg-ville aux heures de pointe", confie de son côté Rémi, de Neufchâteau.

"Je fais le trajet Neufchâteau/Strassen tous les jours depuis sept ans. Je peux vous assurer qu’entre 6 h 45 et 7 h 20 du matin, je vois rarement des véhicules emprunter la bande de covoiturage.

Rémi

"Je fais le trajet Neufchâteau/Strassen tous les jours depuis sept ans. Je peux vous assurer qu’entre 6 h 45 et 7 h 20 du matin, je vois rarement des véhicules emprunter la bande de covoiturage. De temps à autre, un ou deux véhicules. Je me dis que je passe peut-être à la mauvaise heure pour en voir (rires). Mais quand j’en parle avec d’autres frontaliers, ils me disent la même chose, alors qu’ils passent par là bien avant ou bien après moi. On se pose donc la question : à quoi cela a-t-il servi de réaliser cette bande ? On est toujours autant immobilisé aux heures de pointe. C’est d’ailleurs de pire en pire. Mon temps de parcours est plus long de 13 minutes aujourd’hui. Pour moi, elle ne sert donc à rien." Précisons encore que le ministre de la Mobilité, Philippe Henry, avait décidé au printemps 2021, d’autoriser l’utilisation de cette bande pour les automobilistes qui prenaient 2 passagers, au lieu de 3 entre 2019 et cette date. En moyenne, moins de 50 véhicules empruntent quotidiennement cette bande chaque jour.

"C’est vrai qu’en général, on ne voit quand même pas grand-chose comme amélioration. Le trafic est toujours aussi dense aux heures de pointe."

Patrick

Néanmoins, quelques automobilistes sont contents. "Nous, on gagne entre dix à quinze minutes par trajet. C’est plutôt une bonne chose", nous apprend ainsi Patrick Lapraille, originaire de Léglise et adepte du covoiturage depuis une vingtaine d’années maintenant. Mais il reste encore pas mal de problèmes. Difficile de les résoudre. "C’est vrai qu’en général, on ne voit quand même pas grand-chose comme amélioration. Le trafic est toujours aussi dense aux heures de pointe. Je pense qu’il y a aussi pas mal de fraudeurs qui empruntent la bande de covoiturage, alors qu’ils n’en ont pas le droit. Ils peuvent se le permettre, car les caméras de surveillance ont été placées aux mauvais endroits et les contrôles sont, selon moi, inexistants", poursuit-il. Quant à savoir si le covoiturage lui permet de réaliser d’autres économies, la réponse parle d’elle-même : "J’avais fait mes calculs au démarrage de la bande. J’avais économisé 1.000 euros/an en frais de carburant en 2019/2020. Ajoutez à cela les frais éventuels de parking au Luxembourg et vous comprendrez que le covoiturage est un réel incitant financier dans mon cas", conclut-il. Voilà au moins une personne convaincue.