Immobilier & Construction

« Accueillir, Loger, Accompagner »

Julien Brun / Publié le 07:14 12.07.2023 | 03 min


En septembre 2019, Jacques Vandivinit prenait la direction du Fonds du Logement. Il revient sur les missions et les défis de l’établissement institué en 1979 et actuellement régi par la loi du 24 avril 2017.

Jacques Vandivinit, Directeur du Fonds du Logement / Photo©Eric Devillet

Quelle était votre feuille de route à votre arrivée à la tête du Fonds ?

Ma feuille de route était d’abord d’ordre stratégique. La mise en place portait sur des objectifs stratégiques et une déclinaison et clarification de nos missions pour les rendre compréhensibles pour tous nos collaborateurs et le monde extérieur, comme « permettre à nos locataires de vivre convenablement et durablement chez nous ». « Convenablement » signifie qu’on s’occupe d’eux quand ils sont là, et « durablement » signifie qu’on leur permet de rester dans nos logements.

Une de mes premières missions a été d’accélérer la professionnalisation et de renforcer le fonctionnement du Fonds pour faire face à tous les défis actuels. Nous avons, pour cela, augmenté les compétences internes via l’accroissement ciblé de nos effectifs à 170 collaborateurs. Nous avons créé de nouveaux services internes/externes, nous sommes devenus plus innovants et nous sommes en charge de projets pilotes de grande envergure. Nos équipes d’aménagement et de construction gèrent simultanément environ 180 projets de construction et notre équipe gestion du patrimoine gère plus de 2 100 unités de logement réparties sur 49 communes.

Je veux que le Fonds soit considéré comme un partenaire flexible, dynamique, efficient et efficace, et qu’il soit toujours à l’écoute et réactif aux demandes des clients.

« Le logement ne devrait pas être un produit d'investissement. »

Jacques Vandivinit, Directeur du Fonds du Logement

Les missions du Fonds ont-elles pour cela changé ?

Depuis mon arrivée, nos missions n’ont pas trop changé, plutôt évolué. Et ce malgré la pandémie, la hausse des prix du marché immobilier et l’inflation. Elles sont multiples : préparer et aménager des terrains constructibles ; construire des nouveaux logements, voire restaurer des bâtisses existantes ; assurer la maintenance notamment technique et énergétique des bâtiments, le service après-vente et l’accompagnement de nos locataires.

Nous avons aussi des missions connexes comme le développement de tout ce qui est nécessaire à l’implantation et à la vie d’un quartier. Nous ne créons pas uniquement des logements. Nous jouons aussi parfois un triple rôle atypique d'aménageur, de développeur et de gestionnaire patrimonial des logements.

De quels types de projets s’agit-il ?

Il s’agit de constructions classiques sur des nouveaux terrains, la transformation de friches industrielles en quartier de vie – dont un nouveau service, que nous avons créé en interne, est chargé de dépolluer et d’assainir – et sur des « Baulücke », des espaces non construits entourés de parcelles bâties, sur lesquels il est parfois très complexe de réaliser un projet de logement abordable.

Ces projets concernent aussi la rénovation et la transformation de bâtiments classés au patrimoine national ou communal pour la réalisation de logements : couvent d’Useldange, château d’Eisenborn, ferme « Haff Bredimus » (Huncherange), etc. Ces chantiers sont complexes mais aussi passionnants. Nous avons toutes les compétences pour relever ces défis. Mais il faut accepter le fait que ces programmes de transformation prennent parfois beaucoup de temps.

3ème type de projets que nous avons initié : trouver des opportunités d’acquisition auprès d’autres promoteurs prêts à nous céder des projets de construction « au bon prix », à savoir dans la limite budgétaire fixée par la loi. Nous pouvons ainsi augmenter notre parc de logements tout en maintenant des loyers abordables autour de 5 euros le m2 en moyenne aujourd’hui. Nous ne faisons donc pas que du quantitatif, mais avant tout du qualitatif.

Quels sont actuellement vos grands projets d'envergure ?

Nos principaux projets sont le quartier « Wunne mat der Wooltz » à Wiltz et « NeiSchmelz » à Dudelange. Ils reposent sur des concepts forts de mixité fonctionnelle (implantation de crèches, de pharmacies, locaux de rencontre, etc.), de mobilité douce, d’économie circulaire, et d'intégration sociétale. Ils doivent parfaitement s’intégrer entre des quartiers existants. Ces programmes de 15 à 20 ans devraient nous permettre de doubler le nombre de nos logements disponibles pour les proposer de manière abordable.

Comment percevez-vous le marché immobilier actuel, et surtout les nouveaux besoins en matière de logements sociaux ?

Tout d’abord, il faudrait se poser la question : « c’est quoi un logement social »? Il n’existe pas de définition claire du logement social. Un logement social pourrait être destiné à des personnes bénéficiant d'un suivi social. Or, la grande majorité de nos 2.100 ménages n’ont pas besoin d’un tel soutien, mais tout simplement de vivre dans des conditions dignes. Nous parlons donc plutôt de logements abordables. La fourchette entre les loyers que nous proposons et ceux du marché est importante. Le loyer des logements est calculé en fonction du Revenu Net Disponible des ménages – garantissant l’accessibilité à nos logements pour les plus « faibles » - et d’autres éléments comme la surface du logement occupé.

« Nous ne faisons pas que du quantitatif, mais avant tout du qualitatif. »

Jacques Vandivinit, Directeur du Fonds du Logement

Qui peut effectuer une demande de logement auprès du Fonds ?

Tout le monde. Pour chaque typologie de logement (2 pièces, 3 pièces…), nous avons une liste de candidats éligibles. Environ 5.500 ménages sont actuellement inscrits sur nos listes d’attente. Nous attribuons les logements aux ménages les plus prioritaires, notamment ceux vivant dans des conditions de détresse, selon une procédure et des critères bien précis. Notre liste est actualisée chaque année.

Jacques Vandivinit, Directeur du Fonds du Logement / Photo©Eric Devillet

Quels sont les grands défis du Fonds ?

Tenir le budget imparti reste un de nos principaux défis. Les coûts de construction ont fortement augmenté, surtout depuis la pandémie, la guerre en Ukraine et les difficultés au niveau des chaînes de distribution. Ils se répercutent sur le prix de vente des logements, et rendent plus difficile l’accès de nos clients à des prêts bancaires. Une raison supplémentaire de continuer notre focus à proposer des logements en location où le loyer est en fonction des revenus disponibles des clients. Dans la majorité de nos projets, le budget est toutefois respecté, voire en dessous des prévisions initiales. Ceci grâce à l’expertise et les efforts quotidiens de nos collaborateurs et de nos partenaires.

Défi de croissance également : le Luxembourg attire beaucoup d'investisseurs locaux et étrangers qui voient le logement comme un produit d'investissement. Or, le logement ne devrait pas être un produit d'investissement. Pour soutenir notre croissance économique, le pays doit attirer des investisseurs. Cette recherche de croissance à tout prix crée un cercle vicieux et nous met dans une impasse. Car nous avons déjà atteint des prix plafonds qui sont complètement déconnectés des salaires et des coûts de construction. Je reste persuadé qu’il ne faut pas nécessairement acheter. Est-il normal que les gens s’endettent toute leur vie à hauteur de 500.000 euros pour un logement de 60 m2 ? Il faut avant tout permettre aux gens de vivre dignement.

Les missions du Fonds changeront ou évolueront-elles les prochaines années ?

Nos missions ne changeront pas, mais notre cible changera. La Stratégie nationale du Logement qui vise 10 fois plus de logements publics (avec une offre abordable pour les 18% de la population en dessous du seuil de risque de pauvreté) et le projet de loi sur la réforme du bail à loyer récemment déposé par le Ministère, nous permettront de toucher beaucoup plus de ménages et d’offrir une meilleure mixité sociale. Nous restons en cela fidèles à notre mission : « Accueillir, Loger, Accompagner ».

S’achemine-t-on vers plus de demandes locatives ?

Cette demande a toujours existée : depuis mon arrivée nous sommes passés de 3.900 à 5.500 ménages en attente d’un logement locatif auprès du Fonds. Y-a-t-il pour autant plus de gens qui ne vivent pas dignement ? Difficile à dire mais on pourrait faire ce constat. Historiquement le Fonds proposait 50% de location et 50 % de vente. Aujourd’hui, nous ciblons une mixité de 70% de location et 30% de vente dans nos projets afin de répondre à la demande car peu d’entités au Luxembourg font de la location abordable.

Le quartier « Wunne mat der Wooltz » (Wiltz)

Le projet prévoit la construction de 1.085 logements abordables (2/3 en location, 1/3 en vente), qui accueilleront environ 2.500 habitants sur une surface de 34 ha.

Le quarti er « Wunne mat der Wooltz » à Wiltz

Sa conception suit les principes de l'économie circulaire, porté sur une économie solidaire et partagée, un urbanisme et une architecture durables, la mobilité douce et la neutralité énergétique.

La phase 1 des travaux d’aménagement du quartier ont démarré en novembre 2022.

« NeiSchmelz » à Dudelange

Le projet prévoit la réalisation de 1575 logements abordables sur les 33 hectares sur le site de l’ancien laminoir d’ArcelorMittal.

« NeiSchmelz » à Dudelange

Il reliera les quartiers existants de la ville (« Italie » et « Schmelz »), naguère séparés par l’usine sidérurgique.

Les constructions sont orientées vers des profils d’habitat flexibles et évolutifs dans leurs usages. Afin d’assurer la bonne mixité fonctionnelle, un nombre de locaux seront affectés à des fonctions commerciales, administratives ou culturelles.

Le projet intègre les principes de l’économie circulaire et s’inscrit dans le cadre du développement durable.

Fonds du Logement