Politique & Collectivités

L’épineuse question démocratique

Julien Brun / Publié le 12:21 27.04.2023


Sur la scène internationale, le Luxembourg est connu pour sa stabilité économique et politique. Il est même un exemple de paix sociale dans la mesure où la moitié de sa population, aux origines et cultures différentes, est étrangère. Cependant, dans cette cordiale sérénité, qui donnerait presque envie à ses voisins, réside un problème démocratique persistant et croissant: la participation politique de ses résidents étrangers.

Pour résoudre ce déficit démocratique, un référendum constitutionnel avait été organisé en 2015 dont l’une des trois questions était l'extension du droit de vote aux étrangers ayant leur résidence dans le pays. Le débat de l’époque était considéré par beaucoup comme relevant de la Chambre des Députés puisqu’un “non” - et d'autant plus à 78,02% - entérinerait pour longtemps l’accès aux législatives. De fait, la Chambre a donc adopté une loi en 2022, supprimant la condition de cinq ans de résidence pour participer aux communales. Malgré une importante campagne de sensibilisation ces derniers mois: 16,1% d’inscrits!

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette faiblesse. Bien évidemment, il y a d’abord un facteur sociologique propre à toutes les démocraties occidentales, ou du moins à celles où le droit de vote n’est pas obligatoire: le déclin général des participations aux élections. Ensuite, la politique luxembourgeoise s’adresse aux Luxembourgeois en luxembourgeois; de sorte que les résidents étrangers se sentent relativement exclus des débats politiques. Enfin, il y a un facteur de légitimité et le résultat du référendum n’a pas arrangé les choses…

Les “créateurs de richesses” n’ont donc pas de poids politique et cette situation est intrinsèquement liée à la légitimité des mandats politiques.

Mais pourquoi s’en soucier en fin de compte puisque la quasi-totalité des nations ont construit leur démocratie en liant la souveraineté à la nationalité? Certes, mais les 10,3% d’immigrés en France, les 12% en Belgique et même les 23,5% en Allemagne ne sauraient être raisonnablement comparés aux 47,9% du Luxembourg. Autre souci, et de taille: la désertification du secteur privé par les électeurs. Pour rappel, 73,5% des salariés n’ont pas la nationalité luxembourgeoise et près de la moitié (46,7%) sont frontaliers. Les “créateurs de richesses” n’ont donc pas de poids politique et cette situation est intrinsèquement liée à la légitimité des mandats politiques.

Si le déficit démocratique est connu de tous, les solutions sont, quant à elles, limitées.

Si le déficit démocratique est connu de tous, les solutions sont, quant à elles, limitées. Passer par la Chambre des Députés pour accorder le droit de vote aux étrangers reviendrait à oublier le résultat du référendum... Impossible! Refaire un référendum serait prendre le risque d’un deuxième “Non”... Impensable! Créer une Chambre parlementaire pour les étrangers mettrait à mal la stabilité politique en révélant des intérêts divergents entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois… Inapplicable!

Toujours est-il que cette épine, en plein cœur de la démocratie, grandit à mesure de la croissance démographique.

Édito